Les chambres à air

Les chambres à air

Le printemps dernier, l’école d’architecture de l’université de Laval a invité, sous l’initiative de Jean Verville, architecte et professeur, Christopher Dessus, architecte, scénographe, éditeur de PAF atelier + PLI office à Paris, à co-créer un workshop intitulé « LES CHAMBRES À AIR », accompagnés du groupe PHBM+. Le résultat de cet atelier a été présenté sous la forme d’une conférence performative lors de la 3e édition du Salon Index-Design, Complètement Design au printemps 2025. Retour sur ce workshop transdisciplinaire et expérimental 

ID/ Parlez-nous du concept derrière cet atelier. Pourquoi le choix d’explorer des structures gonflables ?

Christopher Dessus/ « LES CHAMBRES À AIR » est un atelier transdisciplinaire qui explore la création d’une structure mobile et sensible à partir de matériaux gonflables. Le choix de l’air comme matière première n’est pas anodin : il permet de repenser la forme architecturale à travers la tension, la pression, la légèreté et le mouvement. Ici, l’air devient à la fois matériau structurel et métaphore du corps — un souffle qui donne vie à l’espace.

L’expérimentation repose sur un double procédé de gonflage et de compression, où des membranes souples sont d’abord gonflées puis rassemblées sous vide pour générer des volumes cohésifs, à la fois fragiles et résistants. Cette approche invite à jouer avec les paradoxes du plein et du vide, du stable et de l’instable, du construit et de l’éphémère.

En mêlant architecture, design, scénographie et performance, l’atelier propose une expérience immersive qui interroge la manière d’“habiter l’air”. Il s’agit moins de bâtir un objet que de composer une expérience spatiale, mouvante et corporelle — une architecture vivante, en tension constante entre souffle et forme.

Jean Verville/ Le workshop LES CHAMBRES À AIR convoque divers moyens de véhiculer des idées en conjuguant des expertises multiples et en favorisant la réflexion transdisciplinaire. L’expérimentation de propositions architecturales participatives, performatives et socialement engagées y est un principe fondamental. Les prototypes ont étés déployés en condition d’hiver, en performance publique au salon Index-Design Complètement Design, ainsi qu’en condition d’été au vieux port de Montréal et Habitat 67.

ID/ Quels ont été les apprentissages clés pour les étudiants de l’Université de Laval ayant participé au workshop ?

Christopher Dessus/ L’atelier a offert aux étudiant·e·s un terrain d’expérimentation rare, où théorie et pratique se rencontrent dans un processus de conception incarné. En explorant les matériaux gonflables, ils ont dû comprendre les propriétés des membranes, les contraintes d’étanchéité, de pression et d’assemblage, tout en apprenant à anticiper les comportements physiques de la matière.

Le workshop a favorisé une approche intégrée de la conception : penser la logistique, le montage, le transport et le déploiement dès les premières esquisses. L’expérimentation par prototypes successifs a permis d’affiner le geste architectural, de passer du dessin à l’expérience corporelle, du plan à l’espace vécu.

Mais l’apprentissage a aussi été collectif et interdisciplinaire : architectes, designers, scénographes et artistes ont collaboré pour traduire des langages et intentions variés en un projet commun. Cette dynamique de co-création a cultivé une posture d’expérimentateur — accepter l’imprévu, ajuster en cours de route, performer plutôt que figer.
Enfin, les étudiant·e·s ont pu ressentir comment une architecture peut se vivre, se respirer, se transformer — non comme objet figé, mais comme milieu sensible, traversé de tensions et de flux d’air.

Jean Verville/ Dans un objectif de favoriser autant la réflexion intellectuelle que la pensée abstraite en support à l’imagination, l’approche pédagogique vise le développement d’aptitudes à analyser, à synthétiser et à transgresser divers processus heuristiques afin d’élaborer des bricolages méthodologiques de recherche et de création. Le processus expérimental a mené l’équipe vers un dispositif convoquant les para propriétés de l’air en principe de précontraintes structurales.

ID/ Le public de Complétement Design a été à la fois surpris et impressionné par votre conférence performative. Pourquoi vous a-t-il semblé important de présenter le résultat de cet atelier sous un format performatif, en collaboration avec les étudiants ?

Christopher Dessus/ Présenter le résultat de l’atelier sous la forme d’une conférence performative relevait d’une nécessité plutôt que d’un effet de style. Une structure gonflable n’existe pleinement que lorsqu’elle est activée : gonflée, mise en tension, habitée, éclairée, traversée. Le format performatif permettait donc de révéler cette dimension vivante, de donner à voir et à ressentir la respiration même de la structure.

En collaboration avec les étudiant·e·s, cette mise en scène a permis d’ancrer le projet dans une temporalité, un rythme, une dramaturgie. L’espace devenait acteur autant que décor : un dispositif en mouvement, entre architecture, performance et musique. Le public n’était plus simple spectateur, mais témoin d’une activation — une expérience sensorielle, fluctuante entre plein et vide.

Ce choix s’inscrit aussi dans une pédagogie expérimentale chère à Jean Verville : apprendre en agissant, tester en public, confronter le prototype à la réalité du geste et de l’émotion. Le format performatif a ainsi transformé la restitution en événement collectif : une manière d’amplifier la portée du workshop et de valoriser la créativité des étudiant·e·s à travers une expérience partagée.

À propos du cours Processus heuristiques et bricolages méthodologiques (PHBM) en recherche et création architecturale

Dans un objectif de favoriser autant la réflexion intellectuelle que la pensée abstraite en support à l’imagination, ce cours vise le développement d’aptitudes à analyser, à synthétiser et à transgresser divers processus heuristiques afin d’élaborer des bricolages méthodologiques de recherche et de création. Une série d’expérimentations transdisciplinaires éveillent les étudiants.es aux potentialités de l’heuristique. La mise en application, à travers les étapes de réflexion et de création, mène à construire comme à déconstruire des liens imaginaires, cohérents ou contradictoires, déductifs ou intuitifs. La formule convoque curiosité, créativité et réflexion critique par l’exploration d’outils d’analyse, de création et de communication pour la matérialisation de partis architecturaux. Une série de workshops créatifs transdisciplinaires éveillent les étudiants.es aux potentialités de l’heuristique.

Crédits:

Jean Verville et Christopher Dessus

Groupe PHBM+:

Marie-Pier Bordeleau
Xavier Caron
Marie-Lyne Chaaya
Donovan Dubé
Brandon Duque Ortiz
Zacharie Forest
Gabriel Ladouceur
Laurie Maheux
Étienne Muckle
Alicia Ménard
Vincent Rozon
Fassou Patrick Pascal Sagno
Hugo Sauvé
Shone Sotthachith
Samuel Veillette
Patrick Vuilleumier
Jean-Christophe Wagner
Mohammad Yadegari
Elisabeth Gagnon
Marine Saint Jacques
Jean-Francois Morasse
Florence Tremblay
Meshkat Rajabi
Jade Bourbonnais
Méghane Prévost
Béatrice Larochelle
Pénéloppe Blanchet
Eliana Salloum

Direction artistique photo : Xavier Caron, Donovan Dubé et la participation spéciale de Maxime Brouillet