ID/ La plus grande opportunité de société qui jaillit de la conjoncture?
LL/ Sans aucun doute la remise en question des pratiques et de nos manières de faire. La pandémie a été un catalyseur de changements déjà en place et dont les réflexions remontaient à plusieurs années, mais qui n’étaient pas complètement aboutis: l’adoption des espaces de bureaux dans le bureau physique, de nouvelles approches quant aux espaces collaboratifs, la redistribution du «me space» au «we space», etc.
La nécessité d’opérer de manière satellite dans la majorité des industries a démontré aux sceptiques qu’une plus grande liberté ne signifie pas une diminution d’efficacité, mais peut au contraire donner une plus grande motivation et capacité de concentration à plusieurs.
ID/ Le plus grand piège du télétravail?
LL/ Considérer qu’une culture d’entreprise peut se créer, se partager et se perpétuer virtuellement, sans l’entremise du contact humain et des rencontres fortuites près de la machine à café.
Bien que la majorité des individus souhaitent conserver l’option du télétravail, il est essentiel de renouer contact avec nos collègues afin que l’innovation, la créativité, le partage d’idées et de valeurs puissent s’opérer.
ID/ Qu’est-ce qui changera dans le bureau post-pandémie?
LL/ C’est l’échelle et les activités qui se déroulent dans nos différents environnements qui risquent de changer dans le contexte post-pandémie, plutôt que l’essence des interactions entre les individus.
ID/ Ce qu’il ne faudrait pas oublier dans le tumulte des bouleversements actuels ?
«Pourquoi alors ne pas profiter de la pandémie pour transformer le bureau en quelque chose de plus libre?» - Lucie Ladouceur
LL/ La pandémie nous a tous forcés à réagir, plutôt qu’à réfléchir. Le grand danger d’être dans la réactivité est de perdre de vue non seulement les apprentissages et acquis du passé (l’aire ouverte, la collaboration, le contact humain, une plus grande importance mise sur le bien-être des gens dans leurs environnements), mais également les possibilités du futur au-delà de la distanciation sociale et des plexiglass partout.
Il est primordial de ne pas se précipiter dans des solutions temporaires standardisées qui ignorent la spécificité des individus, compagnies, environnements. Il serait plutôt important de réfléchir de manière durable à nos milieux, afin de les rendre résilients aux changements: ça passe selon nous par la création d’espaces aux fonctionnalités multiples et par une réflexion plus large par rapport à l’environnement, les changements climatiques et l’étalement urbain.
ID/ Encore d’actualité, le bureau physique?
Absolument. Il faut simplement revoir les raisons pour lesquelles les gens viennent au bureau et concevoir les espaces afin qu’ils répondent à ces besoins plutôt qu’à une conception désormais changée du travail et du bureau.
«On retire aux gens un carré de sable pour mettre à leur disposition le parc en entier.» -Lucie Ladouceur
L’échec des environnements de travail et ce bien avant la pandémie, c’est d’avoir considéré que l’individuel (mon espace, mon bureau, mon expérience) était la raison pour laquelle les gens venaient au bureau. On assumait que le statut lié à l’espace et au tangible était la source de leur sentiment d’appartenance, de leur motivation, en ignorant l’apport de la culture du travail.
Pour des raisons économiques, beaucoup d’entreprises ont dû amenuiser cet espace sans nécessairement redistribuer la valeur ailleurs dans l’entreprise. Nous avions atteint les limites de ce paradigme avant la pandémie. Il y avait un grand manque de liberté et de flexibilité dans les bureaux. Pourquoi alors ne pas profiter de la pandémie pour transformer le bureau en quelque chose de plus libre? Puisqu’il est aisé de faire les activités individuelles chez soi, le bureau physique devient un lieu de rencontre, d’échanges, d’inspiration, de prestation de services, d’innovation et de créativité.
ID/ Une piste de solution pour l’espace corporatif?
L’adoption du non assigné. Les employés sont libres de travailler de manière satellite dans l’espace où différentes typologies de mobiliers, de niveaux d’acoustiques et de luminosité coexistent. Cela n’est pas pour dire que le non assigné fait fi des préférences personnelles (les gens gravitent souvent vers certaines zones et typologies qui correspondent mieux à leurs besoins), mais plutôt que ces préférences adviennent de manière plus naturelle.
En d’autres mots, on retire aux gens un carré de sable pour mettre à leur disposition le parc en entier. Notre rôle en tant qu’architectes et designers est donc d’accompagner nos clients dans cette redéfinition des typologies au sein de leurs espaces.
ID/ Une lecture ou un point de vue intéressant sur le sujet ?
Le discours de l’architecte britannique Norman Foster au Forum des Maires des Nations Unies et cet article de Monocle Magazine sur l’architecture durable.
ID/ Le bureau de demain est... ?
Communautaire, résiliant et idiosyncratique (particulier à chaque individu).
RDV le 30 novembre à la Matinée Index-Design sur l’espace bureau de demain présentée par Teknion
Lucie Ladouceur sera conférencière le 30 novembre à la Matinée dédiée à l’espace bureau. En table ronde avec Laurent McComber et Marie-Pier Tessier De L'Étoile, elle tente de tracer les nouvelles frontières de la prochaine normalité de l'espace de travail. Procurez-vous votre billet à tarif réduit dès maintenant! 99$ (au lieu de 179$) pour un temps limité. Informations pour les tarifs billets multiples et à partir de 10 places, ici.
Crédit photo de couverture: JALQ Photographie pour Atelier Monarque Architecture