
Wellness Center (Concept)
© Studio Tim Fu
Dans un monde où l’architecture est traditionnellement façonnée par la vision, la mesure et la structure, l’intelligence artificielle redessine les contours de la création. À l’intersection de l’imagination humaine et de l’intelligence machine se tient Tim Fu, un designer pionnier dont le travail explore le potentiel profond de l’IA dans la pratique architecturale.
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Mall (concept)
© Studio Tim Fu
Ancien membre de l’équipe de recherche de Zaha Hadid Architects, Tim Fu est le fondateur de Studio Tim Fu, un studio d’architecture de haute technologie reconnu pour son intégration novatrice de l’IA dans des projets bâtis et conceptuels. Tim Fu réfléchit au rôle en mutation de l’IA en architecture, à l’équilibre entre technologie et humanité, et aux nouvelles questions que doivent désormais affronter les designers.

Curve Gallery (Concept)
© Studio Tim Fu
Selon Tim, au-delà de la vitesse ou de l’ampleur, c’est le sens qui compte. Il interroge comment l’IA transforme non seulement la façon de bâtir, mais aussi la profession elle-même — tout en réaffirmant la force durable d’une approche centrée sur l’humain. L’avenir de l’architecture s’écrit peut-être en code, mais il naît toujours de l’imagination humaine.

yacht (Concept)
© Studio Tim Fu
Entrevue :
Index-Design/ Votre formation en architecture et vos débuts chez Zaha Hadid Architects vous ont plongé dans une culture de design marquée par l’expérimentation fluide. Comment cette expérience influence-t-elle aujourd’hui votre approche du design guidé par l’IA ?

Tim Fu, Designer fondateur de Studio Tim Fu
Tim Fu/ Ce que j’ai retenu de mon passage chez ZHA, c’est l’attention portée à l’aspect humain de l’architecture. Il ne s’agissait pas de rechercher la complexité pour elle-même, mais d’utiliser la forme pour susciter une émotion et créer du lien. Cela a façonné ma manière de penser l’IA aujourd’hui. Je ne l’utilise pas pour optimiser ou automatiser, mais pour explorer comment la forme peut soutenir le sentiment d’appartenance à un lieu. L’objectif reste de concevoir des espaces intuitifs, émotionnels et ancrés dans l’expérience humaine. L’IA nous offre simplement de nouveaux outils pour y parvenir.

Biophilic Dine and Lounge
© Studio Tim Fu
ID/ Selon vous, quel est le juste équilibre entrel’intention humaine et l’intervention algorithmique dans un processus créatif ?
TF/ Tout commence par l’intention humaine. Le rôle de l’architecte est de définir la vision, poser des contraintes, et prendre des décisions fondées sur le contexte et le sens. L’IA devient pertinente lorsqu’elle élargit ce processus, en nous aidant à tester plus d’idées, révéler des motifs cachés, ou remettre en question nos présupposés. Mais cela reste un dialogue. On sélectionne, on redirige, on affine. Il ne s’agit pas de céder l’auteur, mais d’enrichir sa propre pensée à l’aide d’un outil. Voici un schéma du processus créatif mêlant intervention humaine et IA:

ID/ Beaucoup craignent que l’IA mène à une standardisation du design, à une perte de l’auteur ou à un manque de transparence dans les décisions. Quels sont, selon vous, les enjeux les plus urgents liés à l’adoption de l’IA en architecture aujourd’hui
TF/ Ces craintes ne sont pas sans fondement, mais elles découlent de mauvaises applications, pas de la technologie elle-même. L’IA ne rend pas forcément le design plus plat : tout dépend de notre manière de l’utiliser. Le vrai défi, c’est la littératie. Les architectes doivent comprendre comment orienter les résultats produits par l’IA, comment structurer les données, construire des requêtes, et garder la main sur le récit.

Lake Bled Estate
© Studio Tim Fu

Lake Bled Estate
© Studio Tim Fu

Lake Bled Estate
© Studio Tim Fu
On ne peut pas traiter l’IA comme une boîte magique. La profession doit inventer de nouveaux cadres d’imputabilité, d’auteur et d’initiative créative. C’est là que réside le vrai travail.
ID/ Comment conciliez-vous le numérique — paramétrique, données, IA — avec les contraintes matérielles, le savoir-faire et les réalités concrètes du chantier ?
TF/ Les outils numériques sont excellents pour expérimenter, mais ce qui m’intéresse le plus, c’est la manière dont ces idées s’incarnent dans le réel. Cela commence par une compréhension du matériau, du site, des contraintes — puis l’IA permet d’explorer les formes et les possibilités dans ce cadre. Sur le projet de Lake Bled, nous avons utilisé l’IA pour réinterpréter l’architecture traditionnelle slovène, mais chaque décision devait respecter les règlements locaux et les méthodes de construction. Il s’agit de trouver le point d’équilibre où l’exploration numérique rencontre un design ancré, constructible.

Bamboo Bar
© Studio Tim Fu

Circle 1500
© Studio Tim Fu
ID/ Si l’on se projette dans la prochaine décennie, comment imaginez-vous l’évolution de l’environnement bâti sous l’influence de l’IA ?
TF/ Je pense que l’on verra de plus en plus d’architectures réactives — à l’environnement comme aux personnes. L’IA peut nous aider à concevoir avec plus de conscience, en intégrant des données de sources multiples pour créer des espaces plus intuitifs et adaptables. Cela ne veut pas dire que tout se ressemblera. Au contraire, cela pourrait permettre plus de spécificité personnelle et culturelle. L’environnement bâti sera moins figé, plus vivant.

Concept
© Studio Tim Fu
ID/ Vous avez su bâtir une forte communauté en ligne. Quelles sont les questions les plus fréquentes que vous posent les jeunes designers et architectes — et quel message souhaitez-vous leur transmettre ?
TF/ On me demande souvent : comment commencer à concevoir avec l’IA ? Comment trouver sa voix dans un domaine en pleine mutation ? Je leur dis toujours : adoptez les outils, mais sans perdre votre pensée indépendante. La technologie va continuer d’évoluer. Ce qui compte, c’est l’intention qu’on y met. Soyez curieux, restez critiques, et continuez de créer des œuvres qui ont quelque chose à dire.

Aerial Zoom
© Studio Tim Fu

© Studio Tim Fu
Photo en couverture : Lake Bled Estate © Studio Tim Fu
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Tim Fu sera à Montréal à l’occasion de C2 le 22 mai 2025.