Photographe d’architecture: Raphaël Thibodeau

Ayant suivi un parcours académique en cinéma et en architecture, Raphaël Thibodeau combine les images fixes, mais aussi celles en mouvement pour capter l’essence des espaces architecturaux. Rencontre avec un photographe très attaché à la dimension narrative des projets.

ID/ Quel est ton parcours académique et qu’est-ce qui t’a amené vers la pratique de la photographie d’architecture ?

RT/ J’ai étudié dans deux domaines qui se sont avérés très complémentaires aujourd’hui soit le cinéma et l’architecture. Au début, j’ai étudié en cinéma et j’ai découvert l’intérêt de communiquer par l’image et de raconter des histoires à l’aide de la caméra. Suite à ça, j’ai fait un baccalauréat suivi d’une maîtrise en architecture à l’Université de Montréal.  Pendant ces études, il fallait toujours représenter nos idées de conception avec des dessins techniques, mais surtout aussi avec des schémas, des rendus et des photomontages. J'ai vraiment développé des outils de représentation et un certain langage visuel guidé par un souci de clarté et d’équilibre dans les images à produire, autant au niveau de la composition que du choix des couleurs utilisées. C’est également à travers ces études que j’ai suivi un cours de photographie d’aménagement enseigné par le photographe Alain Laforest. J’ai aussi fait un séminaire hors programme à l’UQAM sur le cinéma documentaire. Les études en architecture m’ont également permis de faire des voyages dans des ateliers à l’étranger, et à chaque fois que je revenais ici j’avais plein de photos de projets dans mes archives. Cela m’a lancé dans le domaine de la photographie de bâtiments. Mes photos ont ensuite été vues par des firmes d’architecture et j’ai commencé à avoir quelques contrats au moment où je terminais ma maîtrise.

Je travaille aujourd’hui comme pigiste en architecture et aussi comme photographe avec différentes firmes. Cela me permet de rester connecté avec la pratique en architecture et également de travailler avec plusieurs bureaux différents en plus de voir toutes sortes de beaux projets. Une bonne connaissance du langage architectural me permet aussi de bien comprendre les intentions des architectes et de capter rapidement comment mettre en valeur leur travail.

voyage à berlin

© raphaël thibodeau

ID/ Quelle est ton approche lorsque tu visites un projet, qu’est-ce que tu regardes ?

RT/ J’essaie toujours d’atteindre un équilibre entre une bonne préparation et de la spontanéité au moment de la séance photo. Il faut se préparer le mieux possible en se renseignant sur les intentions des architectes, en demandant des plans d’implantation et en faisant des photos de repérage pour bien comprendre l’orientation et la volumétrie du projet. Mon approche est un mélange de préparation et de spontanéité, et je pense que chaque projet est unique alors j’essaie que l’approche le soit aussi. 

ID/ Qu’est-ce qui rend un projet photogénique ?

RT/ À chaque fois que je prends une photo, il y a trois choses à lesquelles j’essaie de répondre. Premièrement, avoir une bonne lumière, trouver le bon moment de la journée pour photographier la partie du projet. Ensuite, le cadrage. Je travaille au millimètre près pour être bien aligné et trouver le meilleur cadrage possible. À ce niveau, il faut mettre en valeur la volumétrie du projet sans la déformer. Finalement, il faut trouver un équilibre dans la composition de la photo, autant dans le choix des accessoires qu’on va laisser à la vue ou bien enlever que dans le choix d’inclure ou non des personnes. J’aime souvent qu’il y ait des gens dans les photos pour démontrer leur caractère habitable. Je dirais aussi que les projets les plus difficiles à photographier sont ceux où il y a peu d’option de cadrages épurés, où il est difficile d’isoler des éléments. En contrepartie, il y a des projets où c’est très facile et où les compositions sautent aux yeux. Une bonne photo est selon moi celle qui retranscrit une intention et une émotion vécue par le photographe ou bien qui provoque des réactions ou des réflexions chez celui qui la regarde. 

La cardinale par l. Mc comber

© Raphaël Thibodeau

ID/ Comment travailles-tu la lumière dans tes photos ?

RT/ Par définition, la photographie est l’écriture de la lumière alors c’est le matériau de travail du photographe. Je pense à la lumière à chaque étape du projet. Je vais regarder le plan d’implantation, les maquettes 3D pour comprendre la course du soleil dans le projet. Une des premières choses que je vais faire est de parcourir le projet pour valider la lumière. Je vais alors être en mesure d’identifier le meilleur moment pour photographier chaque partie du projet. Il faut se poser la question : qu’est-ce que la photo doit montrer? Je pense qu’il ne faut pas tomber dans l’automatisme de vouloir tout exposer de façon uniforme pour tout montrer également. J’aime que la lumière dans une photo me rappelle l’impression que j’ai eue en la prenant, autant dans la balance des blancs et des couleurs que dans l’exposition. Il faut donc doser la quantité de retouches pour atteindre un résultat naturel et engageant. Si la lumière est centrale dans le travail du photographe, elle l’est aussi dans celui de l’architecte. Il y a des citations sur l’architecture qui m'inspirent beaucoup, dont celle-ci de Le Corbusier : « L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière ». 

ID/ Qu’est-ce qui te passionne dans ce métier ?

RT/ Cela m’a pris quelques mois avant de réaliser que ma passion était devenue mon métier. Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir pratiquer la photographie professionnellement. Toutes les étapes me passionnent, que ce soit les discussions avec les concepteurs jusqu’à la publication des photos. Toutes les étapes me stimulent et j’apprécie simplement chaque fois où l’on me présente un nouveau projet. Dans l’exercice de ma pratique, je peux avoir des contrats pour de la photo d’architecture, mais aussi de la vidéo. Mes expériences en vidéo d’architecture sont allées dans toutes les directions, documentation de projet, suivi de chantier, reportage et même vidéo de maquettes pour un visuel d’exposition. La photo va toujours rester très en demande pour la diffusion des projets d’architecture, mais je suis certain que la vidéo d’architecture va gagner en popularité car elle permet d’ajouter du mouvement dans les perspectives. Dans un mouvement de caméra, tout le projet prend vie, les perspectives prennent vie.  

Vidéo d'ouverture:

Architecture: Atelier TAG et Jodoin Lamarre Pratte architectes

Concept vidéo: Atelier TAG et Raphaël Thibodeau

Image, son et montage: Raphaël Thibodeau

Photographies additionnelles: Jolyane Gagnon, Mathieu Dumais.