PASSIVHAUS : la norme qui séduit de plus en plus d’architectes

PASSIVHAUS : la norme qui séduit de plus en plus d’architectes

Comment avoir un impact favorable sur l’environnement en tant qu’architecte? Comment s’inscrire en porte-à-faux avec la tendance énergivore de la construction classique? Comment construire mieux et plus respectueusement? Toutes ces questions, de plus en plus d’architectes se les posent, et certains ont décidé de se tourner vers la construction Passivhaus pour trouver plus de sens dans leur pratique

Depuis 30 ans, cette norme d’efficacité énergétique accompagne les architectes, les ingénieurs, les constructeurs, les promoteurs dans la construction de bâtiments à la consommation énergétique pratiquement nulle, permettant d’économiser 80% de l’énergie utilisée en chauffage et en climatisation.  Si en Europe les gains sont significatifs lorsque l’on parle d’économie d’énergie, au Québec le faible coût de l’électricité est un moindre incitatif financier. Pourtant on constate un engouement de plus en plus grand pour la norme Passivhaus (PH).

La maison Saltbox, par l'Abri. Photo: R.Thibodeau

 

Pour Francis Labrecque, architecte chez l’Abri et designer certifié Passivhaus, l’ancienneté de cette norme développée en Allemagne en 1990 permet d’avoir du recul et de montrer son efficacité : « C’est la meilleure maison que tu peux construire aujourd’hui! ». Même son de cloche pour Guillaume Fafard, fondateur de Quinzhee. Pour lui, ce n’est pas juste une norme de performance énergétique, mais un bâtiment qui prend en compte le confort des usagers. « C’est un lieu de vie très agréable, qui gère les écarts de température. Il n’y a pas d’inconfort lorsque tu t’installes près d’une baie vitrée grâce à la gestion des ponts thermiques. »

Architecte associé chez Boon Architecture, Bruno Verge est concepteur certifié Passive House depuis 2017, mais il utilise depuis 2009 les concepts de la norme PH. « Après avoir été séduit par l’efficacité énergétique de ces bâtiments, j’ai découvert le grand confort offert par ces bâtiments et surtout, une grande résilience. Dans notre contexte de changement climatique qui amène de grandes variations de conditions météorologiques et l’avènement plus fréquent d’événements perturbateurs comme des pannes électriques, cette caractéristique, conjuguée à la durabilité, positionne cette norme comme celle de l’avenir. »

Une pandémie activement passive

Beaucoup d’architectes ont profité de la pause de la pandémie pour se former à la norme Passivhaus. C’est le cas du bureau d'architecture Quinzhee dont Guillaume et plusieurs de ses employés, mais aussi de Catherine Milanese, architecte fondatrice de MOA architecture.

« J’ai suivi les cours au printemps 2020, en tout début de pandémie, ce qui m’a permis de dégager du temps pour la formation, car elle est "dense". On étudie les détails de l'enveloppe du bâtiment, et plus particulièrement l’étanchéité à l’air et la conception sans ponts thermiques. On voit l’analyse des besoins en consommation énergétique (chauffage et climatisation) et en ventilation. La formation aborde aussi la question des coûts de construction par rapport au cycle de vie d’un bâtiment. »

La formation donnée par Passive House Canada est disponible en anglais et plus récemment en français, grâce à Bâtiment Passif Québec. Elle se présente sous forme de 3 blocs. Un premier présente les principes des bâtiments passifs en 8 séances de 4h. Le deuxième est destiné à maîtriser le logiciel Passive House Planning Package (PHPP), le tout en 6 séances de 4h. Et le dernier bloc de cours est une préparation à l’examen à travers 3 séances de 4h.

Marie-Josée Dupont, architecte associée chez Dupont Blouin, a commencé la formation en ligne cet automne. « C’est une formation très intense. Il y a beaucoup de calculs mathématiques assez complexes. Il y a beaucoup de documents imprimés de l’épaisseur du Code du bâtiment. C’est exigeant. » Pour Guillaune Fafard, « la formation est à la hauteur de la qualité de la norme qui est la plus exigeante à l’heure actuelle. » Marie-Josée explique pourquoi elle et son associé, Olivier Blouin, se sont lancés ce défi.

« Ça faisait longtemps que ça me travaillait. En tant qu’architecte, on est appelé à faire des projets qui sont beaux, mais pas toujours écologiques. Ça ne fait plus de sens de faire des projets non performants, qui ne font que respecter le code du bâtiment. J’avais commencé la formation LEED il y a plusieurs années, mais je n’avais pas poursuivi, car certaines choses n’étaient pas cohérentes. Avec Passivhaus, il ne s’agit pas d’avoir des points, mais d’atteindre des objectifs. Il y a aussi de plus en plus de demandes de la part de nos clients. »

Ce constat est partagé par Catherine Milanese. « Cela devrait être une norme bien connue des architectes, pour mieux concevoir et mieux construire. Les exigences en efficacité énergétique du code de construction en vigueur sont nettement insuffisantes actuellement. Dans notre climat où les besoins en chauffage sont élevés, même si l’hydroélectricité est considérée comme "propre" et renouvelable et qu’elle est une ressource abondante et abordable, il est important de tendre vers la réduction des besoins énergétiques des bâtiments. »

Elle explique que les critères de performance ont été établis en Allemagne où le climat est moins rigoureux qu’au Québec. Il est donc difficile d’atteindre la certification, et presque impossible pour les petits bâtiments. Selon elle, il serait plus approprié de pouvoir travailler avec une norme qui prend en considération les aspects particuliers de notre territoire. Elle donne l’exemple de la norme LEED, élaborée en Californie, et dont une partie des enjeux est reliée à un contexte particulier de pénurie d’eau.

La maison Saltbox, réalisée par l’Abri et les constructions Rocket, a obtenu la certification PassivHaus et représente la troisième maison certifiée PH au Québec. Photo: Raphaël Thibodeau

Francis Labrecque, concepteur de la troisième maison certifiée PH au Québec, confirme que le climat rend un peu plus difficile l’atteinte de la norme. « Mais peu importe s’il manque un 5% d’efficacité pour être certifié, c’est quand même déjà une très bonne maison. Ce qui est le plus important c’est l’approche plus que la norme. »

Une norme qui laisse place à la créativité

Pour Catherine Milanese, il serait aussi très intéressant de développer la norme de concert avec un choix écologique de matériaux de construction. « Je travaille en ce moment sur un prototype de minimaison selon les principes Passivhaus, associé à une sélection de matériaux locaux et performants comme l’isolant de chanvre fabriqué au Québec. »

Francis aime cette liberté qu’offre Passivhaus. « Cette norme laisse à l’architecte sa créativité. Elle lui dit : "Voici l’objectif d’efficacité énergétique, débrouille-toi pour l’atteindre!" L’architecte a le choix d’utiliser les matériaux qu’il souhaite. Si certains éléments comme les extrusions viennent d’Europe, 95% des matériaux peuvent être locaux. » Guillaume Fafard, qui s’impatiente de voir la construction au Québec tarder à prendre le virage de la performance énergétique, ajoute :

« Il y a un avantage pour tout le monde à investir dans des bâtiments plus durables et plus confortables, même pour les institutions financières qui sont propriétaires des maisons qu’elles contribuent à construire. En plus, tous les produits sont disponibles pour construire Passivhaus. La norme existe, il faut juste l’appliquer, pas l’inventer. »

Aujourd’hui, construire une maison passive PH entraîne un surcoût de 10% par rapport à une construction classique. Francis Labrecque insiste sur le fait que plus la norme sera populaire et plus ce coût baissera. Mais plus que tout, il espère que « cette norme deviendra un jour la norme et que la performance énergétique sera pour les architectes un critère aussi important que la qualité de la lumière. »

La maison Saltbox, par l'Abri. Photo: R.Thibodeau

 

 

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Coût de la formation Passivhaus

  • 3350$ pour les nons-membres
  • 2416$ pour les membres.

Pour devenir membre:

  • 250$ / année pour un professionnel
  • 750$ /année pour une compagnie de 1 à 49 employés.

Plus d'infos sur le site de Passive House Canada et Bâtiment Passif Québec

 

 

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Lisez notre article sur la certification Passivhaus: le futur de l'architecture?

Projet de couverture: La maison Saltbox, par l’Abri. Photo: Raphaël Thibodeau