Une 26e édition pour le Festival international de jardins

Une 26e édition pour le Festival international de jardins

Le Festival international de jardins est de retour pour sa 26e édition. Sous le thème Frontières, Ève De Garie-Lamanque, directrice artistique, a invité concepteurs et conceptrices de tous horizons à repenser la notion de frontière dans le contexte postcolonial actuel, puis à transposer leurs réflexions dans un jardin-environnement brouillant les disciplines, renégociant les idées reçues sur le jardin / le paysage et dialoguant activement avec le public. 

Jardins de métis

©Christophe Roberge

Ève De Garie-Lamanque, directrice artistique

©Christophe Roberge

Thématique | Frontières

Les notions de limite et de frontière, qui se recoupent sans s’équivaloir, soulèvent inéluctablement des préoccupations d’ordre géographique ou géopolitique. Au sens strict, elles désignent ainsi une borne ou une ligne circonscrivant un territoire, déterminant une étendue et la distinguant d’une autre. En tant que telles, elles occupent donc une place importante dans notre compréhension moderne et occidentale du monde : les frontières modernes – dites westphaliennes, puisqu’elles se négocient dans le cadre de conférences interétatiques selon le modèle ayant mené à la Paix de Westphalie (1648) – cartographient nos espaces / nations-états, les articulent et les mettent en relation. Vestiges tangibles d’entreprises impériales ou de mouvements nationaux, elles reposent notamment sur des idéologies identitaires d’inclusion et d’exclusion. 

Des 180 propositions (27 pays) reçues en réponse à l’appel de candidatures international, 4 ont été retenues. 

BACK / GROUND
Patrick Bérubé | Québec, Canada

BACK / GROUND, Patrick Bérubé

©Martin Bond

L’une des importantes dévastations de notre époque – en plus des changements climatiques – est en grande partie due à l’émergence de la propriété privée. L’apparition du phénomène de domestication, puis de l’agriculture, marquent un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité : dorénavant, l’être humain cherche à contrôler les écosystèmes et leurs différents cycles. BACK / GROUND questionne les activités humaines, ainsi que leurs impacts environnementaux et sociaux.  Il propose une vision du monde dans laquelle la nature n’est pas qu’un arrière-plan, mais un milieu vivant duquel l’humain fait partie intégrante et dont il ne saurait se dissocier qu’artificiellement ou illusoirement.

BACK / GROUND, Patrick Bérubé

©Christophe Roberge

Peek-a-Boo
Hermine Demaël, Stephen Zimmerer | Québec, Canada + États-Unis

Peek-a-Boo, Hermine Demaël, Stephen Zimmerer

©Martin Bond

Une frontière sépare le dedans du dehors, l’intérieur de l’extérieur, et soi de l’Autre. Lorsque qu’artificielle, son tracé a une épaisseur variable. Et si, au lieu de passer du temps d’un côté ou de l’autre de cette limite, nous décidions d’investir cet espace liminal?

"Dès la phase de concours, notre principal défi était de concevoir un jardin, et par extension une frontière, à la fois perméable, en mouvement et participatif. Nous avons imaginé une plateforme uniforme en acier coloré, flottant au-dessus d’un parterre végétal irrégulier. En marchant sur le sol, le visiteur découvre que certaines sont mobiles : chaque visiteur peut ainsi ouvrir une trappe dans le sol pour révéler un siège en contrebas, permettant de s'asseoir nez-à-nez avec les plantes." indique Stephen Zimmerer, co-créateur du projet.

L’architecture se définit par l’articulation de murs et d’enceintes. Dans Peek-a-Boo, la façade a pivoté et devient plateforme. Composée de grillages recouverts de peinture électrostatique de couleur vive, elle sépare ciel et terre.

Peek-a-Boo, Hermine Demaël, Stephen Zimmerer

©Martin Bond

"La conception de ces portes basculantes s’est révélée plus complexe que prévu. Il a fallu recourir à des vérins de coffre pour sécuriser ces ouvertures et garantir que même les plus jeunes visiteurs puissent manipuler et ré-organiser cette frontière à leur manière."

Percée de quatre trappes qui s’ouvrent et se ferment, comme autant d’invitations au jeu, la structure se transforme selon l’humeur des visiteur·teuse·s.

"Notre projet repose sur une véritable collaboration, et parfois friction, qui présente ses propres défis entre le détail architectural et le végétal, entre le bâti et le paysage. Concevoir une architecture qui repose sur l'imbrication des plantes, c’est aller à contre-courant de la gratification de la livraison de chantier, ou de toute gratification immédiate. Le processus de production en lui-même ne fait en réalité que commencer avec l'ouverture, et il se poursuivra tout au long de l'été." ajoute Hermine Demaël

Peek-a-Boo, Hermine Demaël, Stephen Zimmerer

©Martin Bond

Peek-a-Boo, Hermine Demaël, Stephen Zimmerer

©Martin Bond

Scars of Conflict
Michael Hyttel Thorø | Danemark

Scars of Conflic, Michael Hyttel Thorø

©Martin Bond

Scars of Conflict évoque les paysages ravagés et les traumatismes psychiques dus aux conflits armés. Durant la Première Guerre mondiale, l’intensité des combats et des bombardements d’artillerie ont profondément et durablement transformé le paysage. L’étendue de la dévastation témoigne de l’extrême violence avec laquelle les frontières – géographiques, politiques et culturelles – peuvent être déplacées, modifiées ou effacées par l’action militaire. Aujourd’hui, ce paysage de guerre est devenu un lieu de mémoire. Il symbolise la victoire de la résilience face à l’adversité. 

Scars of Conflic, Michael Hyttel Thorø

©Martin Bond

Scars of Conflic, Michael Hyttel Thorø

©Martin Bond

You Shall (Not) Pass
Simon Barrette | Québec, Canada

You Shall (Not) Pass, Simon Barrette 

©Martin Bond

You Shall (Not) Pass [Vous (ne) pouvez (pas) passer] questionne les limites tantôt visibles, tantôt invisibles, qui cartographient nos environnements, nos relations, nos possessions ou nos pensées.  Tel un rideau de perles surdimensionné suspendu en pleine forêt, l’installation monolithique se compose de milliers de repères d’arpentage enfilés sur du fil d’acier – du type utilisé par les arpenteurs-géomètres pour matérialiser les limites d’une propriété. Elle fend le paysage et marque le sentier, convoquant l’archétype même du concept de frontière.

 

You Shall (Not) Pass, Simon Barrette 

©Martin Bond

Non-lieu ou espace liminal par excellence, la frontière peut être comprise comme un objet spatial en mutation. Elle partitionne un tout ou, plutôt, détermine un « segment de réalité », lui octroyant d’emblée une valeur qui lui est propre. Tangible sans être nécessairement visible ou incarnée, elle marque une distinction d’état, de nature, de matérialité. Une rupture de continuité. Elle « sépare » le numérique de l’analogique, le dedans du dehors, le jardin de l’étendue, le paysage du milieu géographique. Parfois fixe, rigide ou plus ou moins étanche, elle peut en outre être poreuse, ambiguë ou multiple. Sans cesse renégociée, la frontière fait également office de passage, de lieu de rencontre et d’échanges.

You Shall (Not) Pass, Simon Barrette 

©Martin Bond

Aux Jardins de Métis, l'iconique Jardin de bâtons bleus renaît en forêt 

Le Jardin des bâtons bleus, CCxA

©Christophe Roberge

Le Jardin de bâtons bleus – créé en 2000 par Claude Cormier (maintenant CCxA) pour la première édition du Festival international de jardins – renaît en Forêt de bâtons bleus aux Jardins de Métis, après 25 années de parcours au Canada et en Angleterre. Le public pourra découvrir cette nouvelle mouture dès l'ouverture de la 26e édition du Festival, le samedi 21 juin prochain.

Le Jardin des bâtons bleus, CCxA

©Christophe Roberge

Le projet met en vedette de façon permanente le Jardin de bâtons bleus, métamorphose pixélisée du célèbre pavot bleu de l’Himalaya soigneusement acclimaté et cultivé à Métis par Elsie Reford, à l’intérieur d’un nouvel écosystème : une microforêt composée d’essences végétales de zones climatiques plus chaudes qui ceinture et pénètre l’ensemble des 2500 bâtons bleu et orange.

Au total, cette nouvelle édition présente 28 jardins contemporains in situ. Le Festival se poursuivra jusqu’au 5 octobre

Jardins de Métis

©Christophe Roberge

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Photo en couverture : You Shall (Not) Pass, par Simon Barrette, © Martin Bond