Corridor de biodiversité St-Laurent: offrir plus de place aux vivants

Corridor de biodiversité St-Laurent: offrir plus de place aux vivants

Le futur Corridor de biodiversité de l’arrondissement St-Laurent permet de reconnecter les parcs et les zones boisées de cet arrondissement de Montréal. Ce projet d'architecture du paysage représente un geste fort afin de ramener la beauté à un secteur urbain industrialisé et d’offrir plus de place aux vivants.

L’équipe multidisciplinaire responsable de concevoir le projet est composée des firmes civiliti, LAND Italia, Table Architecture et Biodiversité Conseil. Le plan directeur a été préparé en étroite collaboration avec la Division de l’environnement et de la protection du territoire de St-Laurent, avec comme idée maîtresse de ramener des habitats naturels dans la ville. L’objectif est de recréer un lieu résilient, propice à la biodiversité. 

«La pandémie actuelle est un triste rappel de l’importance de rapidement revoir nos façons de concevoir l’espace urbain et de changer nos habitudes, pour contrer la crise environnementale» -Fannie Duguay-Lefebvre.

Le projet fait office de laboratoire pour Montréal et d’autres métropoles à travers le monde, tentant de réconcilier la logique de la ville avec celle de la nature. Le secteur du projet s’y prête parfaitement, témoin d’une croissance accélérée dans les années 60 et 70 qui a affecté son paysage et en a fait aujourd’hui la proie des îlots de chaleur. St-Laurent représente la plus vaste zone industrielle au Québec.

Principaux sites d'intervention le long du futur Corridor de Biodiversité

boulevard Thimens

Perspective

Les boisés, le couvert végétal et les terres agricoles sur le territoire cèdent maintenant la place à l’asphalte. L’arrondissement est traversé par des lignes de transport électrique, ce qui représente un défi au niveau du design.

«Sur le plan de la biodiversité, les principales faiblesses dans ce territoire sont sa forte minéralisation, la fragmentation des milieux naturels qui s’y trouvent et la banalité du paysage en général», précise Fannie Duguay-Lefebvre, designer urbain et associée de civiliti.

Certains tracés historiques sont toujours présents dans le secteur, comme un tronçon du chemin du Bois-Franc, commente la designer urbain.

«Sur ce chemin, la maison Robert-Bélanger et son lien historique avec le paysage agricole qui prévalait jusqu’à récemment font partie des paysages mis en valeur dans le plan directeur. Cela, autant pour renforcer le maillage social et communautaire du secteur que pour soutenir la biodiversité. Les noyaux de biodiversité forment les points d’ancrage du Corridor. Ce sont les traces les plus fortes des milieux naturels qui subsistent sur le territoire à travers le temps. Il faut absolument les conserver et les mettre en valeur tant pour leur apport à la biodiversité floristique et faunique que pour leur apport à la qualité des milieux de vie!», dit Fannie Duguay-Lefebvre.

Un Corridor comme un paysage hétérogène et animé

Lieu hybride entre jardin naturel et parc aménagé, l’idée est de concevoir un paysage urbain où tout être vivant a sa place.

«Le Corridor de biodiversité est une infrastructure paysagère qui se superpose à l’ordre urbain existant, façonnant des liens transversaux entre des environnements et des milieux extrêmement fragmentés. Contrairement aux corridors de transports, il offre une infrastructure multifonctionnelle qui entrelace urbanisme, paysage, biologie et mobilité», indique Peter Soland, designer urbain, architecte paysagiste et architecte, associé de civiliti.

La jonction de l'autoroute 40 et du boulevard Cavendish, entrée sud du Corridor, se voit métamorphosée. Une variété de fleurs, d'herbes indigènes et d'arbres viennent transformer l’environnement immédiat de cet échangeur à l’aspect stérile. Tout au nord, un pont multifonctionnel relie le Corridor aux parcs-nature du Bois-de-Liesse et du Bois-de-Saraguay, ainsi qu’à la Rivière-des-Prairies.

échangeur boulevard Cavendish et Autoroute 40

Coupe, aperçu schématique et plan d'implantation

Au coeur du projet, une bande de terrains sous les lignes haute tension, lesquelles longent trois boulevards de l’arrondissement, est transformée en prés fleuris. La topographie du terrain agrémenté de murets de pierre naturelles permet d’animer le paysage et de briser l’homogénéité des lieux plutôt plats.

«Les modulations de sols créent une variété de conditions d’ensoleillement et d’humidité qui favorisent différents végétaux. S’ajoutent des murets le long de sentiers de poussière de pierre sur lesquels les promeneurs peuvent se poser. Le rôle principal de ces murets est d’offrir des habitats fauniques à certaines espèces. Certains éléments plus construits sont aussi proposés pour permettre l’observation à partir de différents points de vue. Je pense ici à la plate-forme du bassin de biorétention humide du parc Philippe-Laheurte et à la tour d’observation implantée dans le parc Marcel-Laurin.», précise Fannie Duguay-Lefebvre.

Pour les résidents et travailleurs du secteur, cet espace représente une brèche nouvelle sur la beauté de la nature. Des arbres plantés tout le long du Corridor, des jardins de pluie, des étangs, des sentiers et des pistes cyclables composent le projet.

«Le sol et ses modulations, les espèces végétales variées et l’eau qui s’accumule et disparaît selon la météo sont les principaux matériaux du projet. Ces strates environnementales sont interreliées et construisent ensemble la diversité. Le projet dans son ensemble se veut relativement modeste sur le plan matériel. Son identité d’ensemble s’appuie sur la création de nouveaux paysages, diversifiés et modulés, pensés en fonction de la biodiversité», présente Fannie Duguay-Lefebvre.

accès au Parc Philippe-Laheurte à partir du boulevard Cavendish

Perspective

Beauté naturelle et bénéfique

La beauté de cette infrastructure vivante s’exprime de multiples manières. La beauté existe dans le spectacle brut de ce nouveau paysage naturel, mais comme l’explique Peter Soland, également dans le geste architectural du projet qui réintègre le vivant sur un site industriel aseptisé. L’architecte explique que le nouveau paysage est conçu comme un tableau vivant.

Selon Peter Soland, «la beauté du projet réside d’abord et avant tout dans la volonté et dans l’effort créatif de produire le bien et le nécessaire, face à des conditions environnementales qui ont entraîné le divorce entre le vivant et notre monde urbain». 

Lien écologique avec le Parc Philippe-Laheurte

Perspective

Parc Philippe-Laheurte (et la plate-forme du bassin de biorétention humide)

Coupe et aperçu schématique

Des milieux naturels pour assainir, connecter et climatiser

La pandémie actuelle est un triste rappel de l’importance de rapidement revoir nos façons de concevoir l’espace urbain et de changer nos habitudes, pour contrer la crise environnementale, soutient Fannie Duguay-Lefebvre. Paradoxalement, en novembre dernier, c’est à la Biennale de Design de Wuhan, en Chine,  que le futur Corridor de biodiversité a été présenté.

«Les rues et larges plages de stationnements vides montrent clairement que le partage de l’espace est à revoir, laissant présager autant d’espace disponible pour que l’on puisse y planter des végétaux tout en y marchant ou en y pédalant de façon sécuritaire. Les milieux naturels, parfois plus ou moins perturbés, et leur essentiel soutien à la biodiversité ont un grand rôle à jouer pour assainir notre environnement et le climatiser. Le Corridor de biodiversité de St-Laurent tente en plusieurs points de relever ces défis!», dit Fannie Duguay-Lefebvre.

Le design est la discipline qui peut établir une stratégie claire pour allier le projet avec le milieu dans lequel il s’insère.

«Pour éviter que l'environnement bâti empiète sur les milieux naturels, il faut d’abord connaître les forces des milieux existants. Il faut en dégager les potentiels à long terme par rapport à la faune et la flore en place. Un projet qui vise la biodiversité doit proposer et faire valoir des nouvelles fonctions à accueillir dans ce territoire. La connexion des milieux naturels par exemple», dit Fannie Duguay-Lefebvre.

Crédit photo : civiliti, LAND Italia, Table Architecture, Biodiversité Conseil.