Blanc : une galerie d'art à ciel ouvert

Blanc : une galerie d'art à ciel ouvert

Installée depuis environ deux mois aux abords de la rue Sainte-Catherine dans le Village, la Galerie blanc interpelle par sa pureté provocatrice. Alexandre Berthiaume signe la conception de ce musée extérieur qui fait sensation. Rencontre.

ID / Quel a été le point de départ du projet?

AB / À la base, ce n'est pas une demande de la Ville, mais une proposition que mon associé et moi avons amenée à la Société de Développement Commercial (SDC) du Village. Mon ami les avait approchés avec l'idée de proposer des photos géantes sur les bâtiments du quartier. Cela s'est déjà vu ailleurs dans le monde comme au Québec, alors en discutant ensemble un peu plus du projet, j'ai eu l'idée de regrouper les oeuvres en un seul lieu. 

D / Comment est venue l'idée du blanc comme concept?

AB / Une chose qui me dérange dans l'art urbain, c'est que la ville est très chargée visuellement et souvent l'oeuvre éphémère n'est pas mise en valeur. J'ai donc rapidement fait le lien avec un musée ou une galerie où le blanc représente la pureté, l'absence de matière qui met à l'honneur les oeuvres d'art. Je voulais qu'on sente qu'on est dans un lieu.

ID / Comment cela a été reçu?

AB / Une des grandes chances a été de proposer le projet à ce quartier car le Village travaille depuis des années avec des architectes (notamment Claude Cormier) et donc le concept ne les a pas effrayés. J'ai aussi l'avantage de faire des images 3D extrêmement réalistes et cela aide beaucoup à vendre les projets. Quand on est arrivé à la ville, cela n'a pas pris beaucoup de temps, j'avais fait deux images seulement et ils ont compris instantanément le projet, ils ont vu son potentiel. La mission des SDC est de représenter les commercants, d'amener des gens et de faire parler du quartier, alors elles sont parfaites pour ce genre de projet.

ID / De quelle façon le projet a-t-il évolué?

AB / Au début, la galerie ressemblait encore plus à un bâtiment, mais pour des raisons de sécurité, il a fallu faire des changements. On a beaucoup travaillé avec les policiers de la Ville de Montréal pour répondre aux critères d'une installation ouverte 24h sur 24, sans la nécessité d'avoir un agent de surveillance. 

Au départ, la Ville ne voulait pas s'engager dans une construction permanente. Le projet était tellement innovateur et surprenant qu'elle a décidé d'en faire un projet pilote. Aujourd'hui, il a dépassé ce stade car nous avons déjà du budget pour l'année prochaine. On va améliorer, agrandir.

ID / De quels matériaux est construite la galerie?

AB / Essentiellement en contreplaqué. Plusieurs couches de peinture assurent une certaine protection. Malgré des matériaux peu dispendieux, je voulais avoir un fini le plus propre possible, c'est pourquoi tous les chants des feuilles de contreplaqué sont coupés à 45 degrés. Les murs reposent sur une structure de béton et d'acier (H-beam).

J'ai construit tous les boitiers rétroéclairés car je voulais une uniformité dans la galerie. Des boitiers existaient déjà pour l'extérieur, mais ils sont faits en aluminium pour les publicités et je ne voulais pas faire une galerie d'art avec des cadres publicitaires. J'ai donc développé des boitiers lumineux et cela a permis de sauver certains coûts. 

ID / Qu'est-ce qui a guidé la mise en espace de la Galerie?

AB / C'est le site qui me dicte ce que je fais. Les limites étaient déterminées par la Ville de Montréal, et il fallait prendre en compte plusieurs facteurs comme la réutilisation de la structure en acier existante et le fait d'avoir des murs perpendiculaires à la rue pour des raisons de sécurité. Je viens du modernisme et du fonctionnaliste, c'était superflu pour moi de jouer avec des courbes, de construire des éléments complexes. L'idée forte du projet s'inscrit dans le dépaysement plus que dans la folie de la construction. 

Même si les installations sont très simples, il y a différents types d'espaces : les espaces centraux entre les murs du milieu qui sont plus restreints, les longs corridors et la grande pièce centrale où l'on retrouve la sculpture. En bord de rue, les entrées sont inclinées pour créer du dynamisme, invitant ainsi à entrer. Les caissons en bordure du trottoir, initialement prévus pour contenir des boîtes à fleurs, sont devenus de simples espaces d'assises par manque de budget, et au final, la Ville et les gens les apprécient!

ID / Pourquoi présentes-tu la Galerie Blanc comme une expérience sensorielle?

AB / C'est l'idée d'aller chercher tous les sens, et pas seulement le côté visuel. Le son par exemple, avec les pas dans la gravelle qui n'a pas été compactée, ou les musiciens de rue que l'on entend. À l'intérieur, rien n'absorbe le son donc le bruit des pas rebondit sur les murs.

Il y a aussi une expérience avec la luminosité, la température. À chaque heure de la journée, l'environnement est complètement différent. La Galerie reste à l'année alors on va vivre les différentes saisons. La place de la nature est excessivement importante. J'aime qu'on se demande si on est à l'extérieur ou à l'intérieur d'un bâtiment, que l'on ressente cette impression d'entre-deux.

ID / Et quelle est la suite?

AB / D'autres galeries. Une autre à Montréal, et ailleurs à l'étranger. On aimerait aller à Toronto et en Europe, avec le même concept de base « blanc », mais en créant des endroits complètement différents. Je vais suivre mes instincts car même si j'avais quelques doutes sur l'audace du projet avec ses murs blancs (comme une invitation aux graffitis), Blanc a été très bien reçu par la Ville comme par les visiteurs, avec enthousiasme et respect.

 

 

Crédit photos: Alexandre Berthiaume