Mathieu Leclerc : « Full Room, c'est un transfert de connaissances qui nourrit ma pratique de designer »

Mathieu Leclerc : « Full Room, c'est un transfert de connaissances qui nourrit ma pratique de designer »

Tout n’est pas à inventer. Parfois, il suffit de redécouvrir le travail de designers passés et leurs pièces de mobilier qui ont parcouru les années, et ont marqué leurs époques de leurs formes séduisantes, originales ou classiques. Et c’est ce que fait Mathieu Leclerc qui a lancé, en avril 2020, Full Room Design son projet parallèle à sa pratique de designer chez Studio Knowhow.

ID / Comment est né Full Room Design?

Le jour où j’ai croisé une chaise de Georges Nelson, faite pour Herman Miller. Cet objet de collection trônait sur une pile de déchets sur le trottoir. Je n’en revenais pas que des gens puissent jeter ce genre d’objets. Ce qui a de la valeur pour certains n’en a aucune pour d’autres. Et c’est pendant le contexte de la pandémie et de la mise en pause de certains projets de design de cafés et de restaurants avec Studio Knowhow que Full Room est né, dans mon appartement qui s’est tranquillement rempli de toutes les pièces de mobilier et de luminaire que j’achète, que je reconditionne et que je revends.

Tables Cahoots par Eos Studio pour Keilhauer, Canada, années 2000. Photo: Full Room Design

ID/ Comment choisissez-vous le mobilier qui est présenté dans Full Room?

Ce qui m’intéresse ce sont les bons designs associés à un designer. En général, soit je connais le designer ou le manufacturier, soit c’est un produit qualitatif avec une vision claire du design et je fais des recherches sur son origine. Je fais beaucoup de recherches. Et puisque la recherche et la vente me demandent beaucoup de temps, je préfère travailler avec des objets en métal et en plastique qui sont plus légers au niveau de la remise en état que ceux qui demandent un travail de rembourrage. Mais il y a quand même un gros travail de reconditionnement, car chaque projet a une couche d’histoire, voire plusieurs.

ID/ Vous parlez de qualitatif, mais c’est quoi pour vous un bon design?

C’est un design qui est résolu au niveau technique et qui est bien conçu au niveau formel. Les proportions sont justes et j’y vois quelque chose de beau. J’aime être surpris par l’objet, découvrir une forme inédite. Les bons designers savent gérer le fonctionnel et le visuel, créer un objet bien balancé où les notions de durabilité et de solidité sont présentes.

Création de Full Room, MixAndMatch. Photo: Full Room Design

ID / De quelle façon Full Room vous permet de nourrir votre travail de designer ?

Je le vois comme une étude de pièces de design industriel. Lorsque je nettoie ou répare les objets ou les meubles, je dois démonter, réassembler et je comprends comment les composantes sont articulées. Si les pièces brisent au même endroit, je prends conscience de la lacune au niveau du design. C’est un transfert de connaissances que je peux réutiliser dans mes designs personnels. Mon travail de designer m’aide aussi lorsque je remplace des composantes brisées. Je peux modéliser la pièce défectueuse, l’imprimer en 3D et la remplacer.

Lampe Mayday par Konstantin Grcic, pour Flos, 2004. Photo: Full Room Design

Full Room nourrit aussi des réflexions plus créatives. Je constate que dans le design contemporain, il y a une valorisation de la nouveauté : qu’un objet soit nouveau est considéré comme un gage de qualité. Mais je me rends compte que ce que j’apprécie d’un designer contemporain est quelque chose qui me rappelle ce qui avait été fait avant lui. Personnellement, je suis très rarement surpris par une forme. Tellement de formes ont été testées dans l’histoire du design. Le plus souvent, le procédé est nouveau, mais l’idée, elle, était déjà là. Alors je me dis pourquoi ne pas plus assumer qu’on a été influencé par le passé. Je travaille en ce moment sur un projet de réédition de certains modèles comme un hommage au design, mais en version actualisée.

Stacker Chair par Hugh Acton, US, 70s. Photo: Full Room Design

ID/ Où les designers peuvent-ils acheter vos pièces?

En général, ils me contactent directement, via Instagram. Je leur fais visiter mon entrepôt où j’ai 10 fois plus de pièces que celles photographiées. Mon showroom est chez moi, mais je suis à la cherche d'un local de 1000 p2 pour présenter toutes les pièces que j'ai, et aussi tracer une ligne plus définie entre ma vie personnelle et professionnelle.

J’ai participé récemment à une exposition « Rétro-spective 2 » qui présentait du mobilier d’occasion de designers à l’espace WIP. Et du 10 au 12 décembre, je serai au Marché Circulaire dans ce même espace.

Je serai également au SOUK dans le cadre d’une collaboration avec Studio Botté. Ça sera au nom de Studio Knowhow, mais c’est un projet qui est à la croisée de mes deux entreprises. L’idée est née de l’envie de rescaper des poubelles plusieurs tabourets en métal d’Amisco. Je me suis lancé l’exercice d'en découper un afin d’en faire une collection de luminaires. J’ai fait des rendus d’une lampe de table, de sol et de suspension et je les ai montrés à Philippe de Studio Botte.  Ça l’a interpellé, alors on a décidé de donner vie à cette lampe ensemble.

Une création à découvrir du 1 au 5 décembre lors de la 18ème édition du SOUK, à la Place Ville-Marie.

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Quelques pièces de Full Room Design.

Chaise spaghetti par Giandomenico Belotti, pour Alias, Italie, 70s. Photo: Full Room Design

Stacky Stool par Giorgina Castiglioni, pour Vastill, fait à Granby en 1973. Photo: Full Room Design

Chaise Diva par Paul Boulva, pour Art Design International, Canada, 80s. Photo: Full Room Design

Chaise Rappen et table Jarpen par Niels Gammelgaard, pour IKEA, 1983. Photo: Full Room Design

Lampe Snake par Nuova Veneta, 80s. Photo: Full Room Design

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