Les Villages ReGen: vision utopique ou réaliste de l'architecture de demain?

Les Villages ReGen: vision utopique ou réaliste de l'architecture de demain?

Véritable révolution sociale, environnementale et technologique, le concept  des Villages ReGen conçu par la firme danoise Effekt propose une relecture complète du mode de vie et des comportements actuels.  Afin d'avoir l'heure juste sur le sujet, et sur son potentiel à redéfinir les modèles architecturaux en place, Index Design a rencontré Manuel R. Cisneros, architecte accrédité LEED chez Sid Lee Architecture.

C'est pour s'attaquer aux grands enjeux planétaires tels que l'approvisionnement alimentaire, le gaspillage et la surconsommation que le concept des Villages ReGen a vu le jour. Conçu comme un écosystème où chaque partie contribue à son fonctionnement, le village s'appuie sur les concepts de réutilisation et de régénération afin de créer un ensemble autosuffisant aux niveaux énergétique et alimentaire. 

Concrètement, le village d'une superficie totale de 15 450 mètres carrés se compose de bâtiments homogènes répondant tous à une fonction définie telle que la maison, la serre hydroponique pour l'agriculture verticale, l'entreposage d'eau ou bien le centre de compostage.  Les habitations, qui se déclinent en différentes typologies, possèdent toutes une grande connection avec l'extérieur, du fait de l'utilisation importante qu'elles font du verre. De plus, ces maisons répondent aux principes de construction passive et sont ainsi efficaces en terme de ventilation, de contrôle de la température, de collecte de l'eau de pluie et de production d'énergie solaire.

performances éco énergétiques des maisons

©Effekt

Configuration d'ensemble

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En plus d'être confortables, économiques et autosuffisantes, les maisons du projet ReGen incluent une serre afin de permettre aux familles de récolter leurs propres fruits et légumes. Le concept agit également sur la création d'une nouvelle expérience communautaire et sociale en misant sur l'entraide et la participation active de ses habitants. De plus, cet environnement architectural raffiné et discret instaure un dialogue fluide avec la nature environnante. Le projet, actuellement en cours de réalisation, s'implantera dans la ville d'Almere aux Pays-Bas.

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L'architecte Manuel R. Cisneros croit, quant à lui, que l'implantation de projets comme les Villages RGen occassionera réellement un important changement de société et de mode de vie, qui doit se faire impérativement.

ID/ Que penses-tu ce projet de la firme Effekt?

MC/ Il propose un système en boucle fermé qui affiche une esthétique attrayante et qui intègre différents types de technologies appliquées à petite échelle dans un quartier, dans une communauté. Je pense qu'à tous ces niveaux-là, c'est vraiment réussi. C'est le premier projet de ce type qui présente des images aussi séduisantes et ça fait beaucoup réagir les gens. Il propose un réel changement au niveau social où la notion de communauté est centrale. Les bâtiments y ont tous une utilité, que ce soit de produire de l'énergie, des produits, des aliments, la gestion des déchets et aussi de créer un sentiment de bien-être pour ses usagers. Donc, c'est clairement un projet intégré qui n'agit pas juste au niveau de l'architecture, ni de la mécanique, ni de l'urbanisme, mais qui apporte aussi des solutions sociales pour contrer le manque de ressources alimentaires, le gaspillage et la sursonsommation. Ce projet montre une belle image de ce que pourrait être une vie faite de comportements plus responsables.

ID/ Mais est-il réaliste? Répond-il aux grands enjeux urbains actuels?

MC/ Le seul bémol que j'ai envers ce projet, et ce n'est pas vraiment une critique, mais plutôt une réflexion, est que d'intégrer un système comme ça dans une communauté ou dans un contexte urbain actuel ne fonctionne pas vraiment parce que la problématique réside dans la densification des espaces déjà développés, au lieu de s'étaler dans la nature. Ce projet-là, j'ai l'impression qu'il va s'installer dans la nature, et il va bien fonctionner dans ce contexte particulier, ce qui ne règle pas le problème de densification des villes. Les Villages ReGen sont composés de bâtiments à échelle humaine, on parle d'environ deux étages avec serres et jardins, etc.  Je pense que ça marche comme concept, mais qu'il faut aussi penser à comment ça peut se développer à plus grande échelle et s'intégrer dans des contextes urbains existants. Donc l'idée est bonne, mais c'est une question de regarder comment on peut l'appliquer maintenant à nos sociétés qui se sont développées de mauvaise manière. 

Il faut aussi que les gens soient capables de se payer, ces technologies, qu'elles soient abordables, mais aussi qu'elles soient enseignées. On en revient aux technologies de base comme la permaculture ou l'hydroponie, qui sont des concepts assez simples, mais qu'on a oublié ou qu'on connaissait mieux dans le passé. Donc, comme laboratoire d'expérimentation, je dirais que le projet fonctionne vraiment. 

ID/ Quels sont les changements majeurs à apporter à nos bâtiments pour aller vers un mode de vie plus écoresponsable?

MC/ Je pense qu'il faut trouver une solution pour trouver la meilleure manière de faire des bâtiments dans une forme intégrée qui s'attarde à la productivité, en terme d'énergie, en terme de nutriments, pas seulement des aliments, mais en terme d'éléments positifs pour l'humain dans son milieu de vie. Ce sont des éléments qui sont totalement absents de notre architecture actuelle. Je pense que l'utilisation des toits dans le projet ReGen, qui sont en pente pour rediriger l'eau vers la terre, est un bel exemple d'interaction avec la nature.  L'eau retombe ainsi à son cycle naturel en touchant la terre. Dans les villes qu'on a créées, qui sont composées de dalles d'asphalte et de béton, on est complétement coupé du cycle naturel des éléments. Il y a une énorme valeur provenant de la matière naturelle et organique.  Les villes continuent à se développer de la même façon parce que personne n'accorde assez de valeur aux arbres, aux plantes, aux cours d'eau ou aux animaux. Finalement, je pense que la reconnaissance de la nature dans l'architecture est comme la base à intégrer dans nos constructions avant même de penser à développer des technologies super poussées.