L’esthétique et la construction navale comme modèle transposé à l’architecture contemporaine.

L’esthétique et la construction navale comme modèle transposé à l’architecture contemporaine.

Architecture paquebot, technologie navale, matériau industriel…et si la construction navale repoussait toujours plus loin les choix esthétiques et limites structurelles de l’architecture ?

Dès les années 1930 se développait une multiplication des emprunts nautiques appliqués à l’architecture. Le Corbusier considérait le paquebot comme modèle dont les éléments formels étaient transposés aux projets architecturaux. Véritable processus métaphorique proposant des formes d’architectures neuves alliant la demeure au paquebot. La Villa Savoye à Poissy est une célèbre allégorie nautique où conception architecturale coïncide avec évolution de l’objet technique en objet esthétique.

Si l’esthétique paquebot inspire toujours autant l’architecture contemporaine, il est a noté que l’industrie navale aide à repousser les principes constructifs de l’architecture grâce à ses avancées technologiques. Le secteur industriel naval, pionné sur le plan numérique bien avant le secteur du bâtiment, a largement influencé l’architecture. Effectivement, les architectes contemporains désirant réaliser une architecture prospective avec des formes irrégulières, distordues ou innovantes se sont tournés vers des programmes de design informatique très détaillés déjà présents dans la construction navale.

L’Opéra construit dans le port d’Oslo en Norvège - véritable iceberg émergent de la mer conçu par Snohetta - illustre à la fois l’esthétique maritime et la spécificité de la technologie navale au service de l’architecture contemporaine.

La relation du bâtiment avec son environnement est marquante, il s’élève des flots de façon très sensible et minimaliste. Ses longues lignes le prolongent entre terre et mer et offrent une promenade urbaine du parvis à la toiture couverte de marbre à la façon d’un grand manteau de neige. Une large façade vitrée laisse entrevoir son intérieur : un grand mur de bois blond ondulé.

Snohetta a choisi le bois - cher aux pays scandinaves – pour contraster avec le marbre à l’extérieur et offrir une nouvelle expérience, plus chaleureuse, une fois en son coeur. Matériau parfaitement adapté à une bonne acoustique ; le chêne se déploie jusqu’à l’auditorium pour le revêtir intégralement.

Pour la réalisation intérieure et extérieure de l’auditorium, les architectes ont choisi de collaborer avec un ingénieur naval. Simon Ewings, chef de projet de l’Opéra, précise que « l'idée de travailler avec une entreprise de construction de bateaux traditionnels est survenue lorsque nous (Snohetta) cherchions à construire les façades des balcons de l’auditorium et l'anneau acoustique suspendu en chêne massif». Ces géométries complexes - tant pour l’acoustique, la structure que l’esthétique - nécessitaient l’intervention de spécialistes. Avec eux, ils ont développé la mise en forme de la menuiserie, les détails et les modèles 3D pour les machines de routage robotique.

Dans le foyer, le mur de chêne d’une surface de 2000m2 prédomine en courbe. Il rassemble les circulations à la façon d’une coursive sur un navire pour desservir l’auditorium placé en amont. Tandis que l'extérieur du mur rappellent l'écorce d'un arbre, l’intérieur a un caractère plus fluide invitant le spectateur dans un monde doré et boisé dont l’esthétique rappelle celui des ponts en teck des voiliers. Simon Ewings, précise ici que la technologie navale a conduit le design à des équilibres plus heureux : les joints sont invisibles sur les panneaux de bois pour offrir une lecture plus harmonieuse et poétique du projet.

A la fois approche transversale et pratique transdisciplinaire, la collaboration entre architectes et ingénieurs navals ne cesse de proposer de nouvelles expériences. L’Opéra de Snohetta met en exergue l’influence du monde marin comme enjeu de la création contemporaine…quand deux mondes se rencontrent, se transposent et créent un savoir-faire commun et sans limite !