ID / Quelle a été la réalisation ou contribution à laquelle tu as contribué durant la dernière année qui t’a rendu fière?
LM / En août dernier, j’ai eu la chance de remporter le Ones to Watch Awards de l’American Society of Interior Designers (ASID) lors de la cérémonie de remise de prix à Denver, CO, de la conférence annuelle de l’ASID intitulée GATHER : Catalyst. Je suis devenue la première personne du Québec a remporter ce prestigieux prix international dans la catégorie “Volunteer Leadership” et j’étais l’unique lauréate provenant du Canada pour 2024.

"Au travers de ce prix, c'est toute la relève prometteuse de notre industrie qui est récompensée. En tant qu’ambassadrice, je souhaite contribuer à placer Montréal sur la carte : je suis peut-être la première, mais je ne veux pas être la dernière !"
Ce prix est venu récompenser mon implication dans les universités d’architecture et de design auprès de la prochaine génération et également mes efforts pour la promotion des valeurs d’Équité, de Diversité et d’Inclusion (EDI) au sein de notre industrie, en particulier à travers mon implication avec CREW M, une organisation dédiée à la reconnaissance des femmes dans l’immobilier commercial.

Ce prix m’a ouvert de nombreuses portes ces derniers mois. J’ai notamment accepté l’opportunité de devenir architecte pour l’Est du Canada chez le gestionnaire immobilier BGIS et eu l’honneur d’être juge des Innovation Awards 2024 organisés par Interior Designer Canada (IDC). Cette session d’hiver 2025, je suis également chargée de cours/tutrice en design d’intérieur à l’Université de Montréal où j’encadre 9 finissants pour leur projet d’habitat écologique.
ID / Jusqu’ici, quel a été ton plus grand défi professionnel et comment l’as-tu surpassé?
LM / Être une femme, immigrante et en début de carrière, avec peu d’expérience, semble bien souvent réunir tous les éléments pour ne jamais être prise au sérieux. À tel point qu’on peut en venir à douter de ses propres capacités ou de sa valeur. Pourtant, chaque jour représente une nouvelle occasion de surmonter notre syndrome de l’imposteur.

Mon parcours, entamé en 2010 avec mes études d’architecture en France, a été loin d’être linéaire. Les obstacles ont été nombreux et sans tout citer, durant mes années en France, j’ai vécu beaucoup de sexisme en milieu de travail et même à l’université. Par la suite, depuis mon arrivée au Canada en 2014, j’ai dû faire face à beaucoup de défis administratifs, le plus difficile à surmonter ayant été la perte de mon visa de travail pendant plus de 6 mois durant la pandémie.
Ces défis, liés à mon genre, à mon manque d'expérience et à mon statut d’immigrante, ont nourri ma volonté d’œuvrer en faveur de l'Équité, de la Diversité et de l'Inclusion (EDI) dans notre milieu professionnel, mais aussi à promouvoir l’application de ces principes dans les espaces que nous créons.
J’ai la conviction que la mission des architectes et designers est de concevoir des espaces durables où chaque individu se sent inclus. J’aime utiliser la phrase « bâtir le Canada de demain », car c’est exactement ce à quoi notre industrie contribue, jour après jour : créer une société où chacun trouve sa place.
ID / Quels sont les principaux apprentissages de tes 6 années dans une grande firme comme Provencher_Roy en comparaison à ce que tu apprends actuellement dans une grande entreprise de gestion immobilière?

BUROVISION
©MD Camerawork.
LM / Durant mes 6 années chez Provencher_Roy, j’ai appris à « faire » les projets et je dis d’ailleurs souvent que « j’y ai remonté le temps ». Lorsque j’ai été engagée comme stagiaire en 2018, j’ai d’abord collaboré lors de la phase chantier de l’Ilot Balmoral. Par la suite, j’ai été impliquée en phase d’exécution, puis chantier sur le REM. En 2020, j’ai rejoint l’équipe mobilisée en consortium avec Perkins&Will sur la rénovation de la Place du Portage III à Gatineau à partir de la phase préliminaire. Mon implication a duré près de 3 ans sur les aménagements intérieurs et le base building. Ce projet, axé sur l’accessibilité, l’inclusion et le développement durable, a marqué ma carrière de manière indélébile. Le client, BGIS, est d’ailleurs devenu mon employeur actuel.
En 2022, après être devenue architecte OAQ, j’ai voulu approfondir mes connaissances en design en m’impliquant dès la phase de conception sur des projets d’aménagement intérieur universitaires. Mon intérêt pour la discipline s’est développé notamment en raison de mon rôle de gestionnaire de la matériauthèque du bureau, qui m’a permis de me familiariser avec les matériaux, les finitions et le mobilier.
Aujourd’hui, cette expérience vécue « à l’envers », autant sur des projets d’architecture que de design, à différentes échelles et budgets, cumulée à mes 5 ans de gestion d’une matériauthèque, constitue un socle solide à mes responsabilités actuelles : je planifie les projets institutionnels/fédéraux BGIS pour l’Est du Canada. Mon rôle à l’étape de l’avant-projet, où je définis l’envergure, la durée, les coûts et les disciplines impliquées, me permet de comprendre les enjeux liés à la planification et à la gestion de projets, la dernière étape qu’il me restait à voir afin d’avoir une vue d’ensemble de notre industrie.
ID / Raconte-toi au travail en 4 images. Muni de ton cellulaire, fais-nous découvrir ce qui te fait vibrer.

Image prise lors de la conférence du Grand Batimatech, que j'ai animée ces deux dernières années en tant que maîtresse de cérémonie. Mon expérience en tant que Miss FACE OF HUMANITY 2022 m'a permis de me sentir à l'aise sur scène, d'établir une connexion avec le public et de créer un fil conducteur entre les différents sujets présentés. Si mon travail est réussi, ce sont les conférenciers et les sujets qu'ils abordent qui marqueront l’audience.

Avant d’avoir l’opportunité de devenir chargée de cours, je me suis investis durant trois ans auprès de la relève en architecture et en design. Sur cette photo, je suis en compagnie de Geneviève Gariepy et de ses étudiants du CEGEP Marie Victorin, où j’étais intervenue dans son cours sur les matériaux pour y présenter le rôle d'un gestionnaire de matériauthèque.

Je m’implique depuis 2 ans sur 2 comités de CREW M. Cette photo a été prise chez TRIUM, où le comité en faveur de la Diversité, Équité et Inclusion (EDI), auquel j'appartiens, se réunit pour des séances de Remue Méminge afin de proposer des idées et initiatives visant à promouvoir ces valeurs au sein de notre organisation et, plus largement, à l’ensemble de l'industrie.
ID / Comment vois-tu l'avenir des professions de l'architecture et du design ?
Je perçois déjà que l'architecture et le design commencent à évoluer et à innover pour faire face aux défis environnementaux, d'accessibilité et d'inclusion, mais également à l'impact de l'IA et des réseaux sociaux. Selon moi, ces enjeux sont au cœur de l'évolution de notre profession qui également se rajeunit et se féminise de plus en plus.
Depuis mon arrivée chez BGIS, je m'efforce d’appliquer la stratégie de verdissement du gouvernement (selon la lettre nationale d'appel), en proposant des alternatives novatrices à ce qui se fait habituellement sur les projets. De plus, nous avons une feuille de route ambitieuse concernant l'accessibilité et l'inclusion, deux aspects essentiels de l'architecture et au design de demain. Également, dans mon atelier sur le design écologique à l'Université de Montréal, je travaille justement avec mes étudiant.e.s sur des sujets comme la circularité, le recyclage des matériaux, et les certifications environnementales. J’essaye également de les guider afin qu’ils utilisent l’IA de façon conscientisée et fassent bon usage des réseaux sociaux pour leur développement professionnel.
Je crois que l’avenir de notre métier repose sur une collaboration étroite entre architectes et designers.
ID / Quelle personne te guide ou t’inspire dans ton métier?
« Seul on va vite, mais ensemble on va plus loin. » Dans mon cas, cela prend un village ! Je pars du principe que tout arrive pour une raison, donc chaque personne ayant croisé mon chemin, qu’elle ait eu un impact positif ou négatif, a contribué à façonner la personne que je suis aujourd’hui et mon début de carrière. Je pense que les personnes ont eu le plus d’impact jusqu’à présent et dont le parcours, ou simplement nos échanges, m’inspirent sont :
Audrey Monty, architecte associée chez Provencher_Roy, pour sa confiance en moi. Impossible de ne pas nommer mes sœurs à CREW M, dont mes chères Nathalie Picard – chasseuse de tête chez Cartier Miller, Kayci Ozorai – Vice-Présidente chez Regisco, Patricia Gravel – chargée de compte chez Burovision et Linda Maurice – chargée de comptes majeurs chez TRIUM. Mes mentores Véronique Bouchard – Vice-présidente marketing chez Groupe Focus et Maud Francoeur – Architecte Associée chez Lemay.
Mes « bonnes étoiles » Catherine Grégoire-Murphy – Responsable du développement commercial chez Burovision, Francis Bissonnette, président et fondateur de Batimatech, mes étudiants qui sont également une source d’inspiration et de motivation (grâce à eux, j’ai une raison d’être la meilleure version de moi-même !) ainsi que Ségolène Brault – designer chez Gauvreau Design, Valerie Michaud – Vice-présidente marketing chez Groupe Fransyl, Chloé Ritchie – chargée de compte chez Groupe Focus, et pour finir, la personne que l’on connait peut-être le moins, mais qui a peut-être le plus d’impact dans ma vie depuis 11ans (le même nombre d’années que je vis au Québec): il s’agit de mon mari, qui me pousse et m’encourage chaque jour. À CREW M, nous nommons nos conjoints nos « alliés », et je confirme que c’est vraiment cela !