L’expérience muséale : l’importance de l’intuition

L’expérience muséale : l’importance de l’intuition

Lorsqu'il aborde un projet d’exposition, Pierre Ménard, producteur chez TKNL et responsable de son secteur muséal, recommande à son équipe de penser à un manuel d’instructions IKEA, c'est-à-dire à des schémas et pictogrammes dépourvus de texte en misant sur l'intuition du visiteur. Troisième et dernier volet d'une entrevue sur l'expérience muséale d'aujourd'hui.

« Quand on pense à une installation interactive, il faut adapter celle-ci en fonction de la clientèle cible, pointe Pierre Ménard. Les jeunes et les groupes scolaires qui vont visiter une expo ne vont pas s’attaquer à l’écran tactile devant eux de la même manière qu’un visiteur adulte. L’'intuitivité' des uns n’est pas l’'intuitivité' des autres. Nous avons, par exemple, conçu au Planétarium de Montréal des tables tactiles qui permettent aux visiteurs d’apprendre différentes notions scientifiques reliées à la vie extraterrestre et aux exoplanètes par l’entremise de jeux interactifs. Les jeunes y vont de façon itérative, comprennent tout de suite la logique du jeu, embarquent... Mais c’est plus laborieux pour les adultes. C’est assez amusant de voir un enfant de six ou sept ans expliquer à sa grand-mère comment elle doit faire pour fabriquer une planète par accrétion de matières. »

En plus de l’'intuitivité', il importe aussi de penser à l’interactivité. « Dès qu’on demande au visiteur de faire quelque chose, d’interagir d’une façon ou d’une autre avec un élément quelconque de son environnement, qu’il soit électronique ou physique, nous sommes dans l’interactivité. Mais la technologie peut très bien être passive : on peut simplement asseoir un visiteur devant un écran. Même si l’expérience se révèle immersive et spectaculaire, si le spectateur ne fait rien, ne choisit rien, elle n’est pas interactive. Par contre, l’utilisation de technologies dans une exposition ne doit pas obligatoirement être interactive pour être intéressante. »

Le niveau d’interactivité ou de passivité dans une expo peut aussi être très variable. « La bibliothèque, la nuit » de Robert Lepage est un exemple intéressant en ce sens. Au départ, on entre dans la bibliothèque de l’auteur, qui nous met en contexte dans un lieu physique avec de vrais livres, de vraies étagères, de vraies lampes... Ensuite, muni de casque de réalité virtuelle, on est invité à visiter certaines grandes bibliothèques du monde, réelles ou imaginaires. Pour Pierre Ménard, « il s’agit là d’une expérience extrêmement riche et intéressante d’un point de vue immersif, qui nous permet de découvrir et d’apprendre beaucoup de choses. Mais même si c’est une expérience hautement technologique, sa dimension interactive est assez minimale, et, en fin de compte, le visiteur est plutôt passif ou contemplatif : il regarde autour de lui et écoute ce qu’on lui raconte, tout simplement ».

En définitive, l’utilisation de toute forme de technologie au sein d’une exposition, qu’elle soit électronique, numérique, physique ou mécanique, interactive, passive, intuitive ou particulièrement immersive, peut très certainement enrichir l’expérience du visiteur, la rendre plus accessible, et unique. « Pour autant qu’on ne la perçoive que pour ce qu’elle est, un outil de plus dans l’arsenal du muséologue et du concepteur d’expo. Un outil formidable aux possibilités seulement limitées par notre imagination. Mais un simple outil, pas une fin en soi », conclut Pierre Ménard.

* Ce texte fait partie d’une série d'articles sur les expériences inspirantes en technologie présentée par TKNL