Aménagement urbain: Agora Maximus piétonnise le Quartier Latin

Aménagement urbain: Agora Maximus piétonnise le Quartier Latin

Le projet transitoire mise sur une scénographie urbaine marquante et défend une vision de l’espace public prônant émerveillement, inclusion, modularité, résilience et circularité.

Le projet Agora Maximus vise la revitalisation des rues commerciales en célébrant l’expérience déambulatoire au cœur du Quartier latin de Montréal, avec la rue Saint-Denis comme scène principale.

Inspiré des gradins de spectacles, le projet incarne un hommage au caractère festif du quadrilatère, également haut lieu des institutions francophones de la métropole. Il se veut notamment un dialogue avec la Bibliothèque Saint-Sulpice, chef-d’œuvre du style Beaux-Arts, édifice classé monument historique, actuellement en transformation pour devenir la Maison de la chanson et de la musique du Québec.

La rue Saint-Denis dans le Quartier latin de Montréal sera piétonne jusqu’en octobre 2022. Les installations reviendront bonifiées en 2023 et 2024. Un projet d’aménagement urbain raconté par Michel Lauzon, fondateur et chef de la création de LAAB, conçu en collaboration avec Signature design communication.

ID/ À quelles problématiques répond le projet et par quelles fonctions ces problématiques sont-elles adressées?

ML/ Le programme de piétonisation vise la revitalisation des rues commerciales. Dans notre cas, ceci passe par une volonté triple de rehausser la notoriété et l’attractivité de la rue St-Denis, d’en augmenter l’achalandage et de prolonger la durée des visites (rétention). Pour y parvenir, nous avons visé à développer une signature spécifique au Quartier latin, qui se démarque des autres secteurs, et qui serait davantage durable et intégrée que les aménagements transitoires usuels. Et quelle meilleure façon de retenir les gens sur St-Denis que de leur fournir des assises pour voir et être vus? 

Des assises ergonomiques, inclusives et végétalisées. Le concept répond aussi à des impératifs de végétalisation et de réduction des ilots de chaleur

Michel Lauzon

FONDATEUR ET CHEF DE LA CRÉATION DE LAAB COLLECTIVE

“La grande complexité et la variabilité des conditions existantes commandait une approche flexible: le module du pixel a été développé comme système « lego » pour naviguer dans le contexte hétérogène de St-Denis.”

 

 

 

ID/ Quelles thématiques ont été choisies, et avec quels enjeux ?

Dès le début, la commande demandait une signature propre au Quartier et éviter la terrasse générique « en bois traité » et « jetable ». Nous avons donc puisé dans l’histoire du « Quartier » comme lieu rassembleur des institutions francophones de même que dans sa capacité d’hôte des festivals forains et divertissements ambulants; ceci a orienté d’emblée une solution d’estrades alignées sur rue pour favoriser les rencontres (« l’Agora »). Puis la thématique « latine » a été exploitée via l’analogie au Circus Maximus comme figure linéaire et urbaine (le « Maximus »).

L’analogie au monde latin a aussi inspiré les portails d’entrée jumeaux (les « Piliers de Hercule ») et le parcours de découverte de pastilles colorées (la « Via Apienne »). Nous ne tenions pas à ce que l’histoire soit nécessairement perceptible d’emblée par les usagers mais plutôt qu’elle structure de façon discrète nos interventions et lui conférent une unité et identité indéniables.

ID/ Le projet s’est fait en un temps record. Hormis le peu de temps à disposition entre son idéation et son installation, quel fut le plus grand défi à relever en termes de design et d’aménagement de l’espace?

Au niveau design urbain, le contexte urbain bigarré et chargé de la rue St-Denis comportait le risque d’augmenter le chaos visuel ambiant avec notre projet; à cet égard, une trame narrative simple et affirmée (Agora Maximus) a été une condition de succès pour créer une cohésion visuelle à la rue et lui conférer la signature voulue. 

ID/ Comment les concepteurs font-ils pour que les installations soient réversibles et modulables, avec le minimum de pertes?

Afin d’y parvenir, nous avons opté pour une approche de systèmes du genre « kits » d’assemblage. Pour ce faire, nous avons défini que la signature serait composée de 3 composantes intégrées: les pixels qui génèrent les estrades et les portails (piliers de Hercule), les pastilles du marquage de rue qui constituent le parcours de découverte et les interventions graphiques qui se déploient dans les vitrines commerciales et sur les piliers d’entrée.

Pour les estrades, nous avons œuvré dans un approche ‘produit’ pour créer un module de base ultrasimple (le pixel de 1500mm) adapté à la rue et optimal pour l’usage projeté. Celui-ci a ensuite été décliné en variantes (hauteurs, types, couleurs, etc.) puis recombiné pour générer une diversité de configurations d’assises et de plantations. La conception a été validée en temps réel dans le marché (coûts et faisabilité) puis a été pensée selon une stratégie circulaire de montage, d’entreposage et de recyclage.

ID/ Comment rendre le lieu signifiant pour les utilisateurs de manière pérenne?

Chez LAAB, le processus de « brandscaping » aide à raconter une histoire pertinente et cohérente dans tous nos projets. Puis, il sert à trouver les meilleures façons de la matérialiser pour qu’elle soit accessible et intelligible par tous.

Ici, notre histoire raconte celle d’un lieu culturel et de divertissement linéaire, avec la rue St-Denis comme piste de scène, une analogie que l’on reconnait avec nos repères culturels mais qui, en même temps, les subvertit juste assez pour intriguer. 

 

Toutes les composantes ont un rôle premier à jouer (leur partition) mais elles contribuent aussi à conter l’histoire globale (la composition d’ensemble), celle d’une « Agora Maximus », une ruine imaginaire futuriste et habitée mais inspirée des archétypes urbains du monde latin. Les utilisateurs sont perspicaces et perçoivent intuitivement quand il y a un fil conducteur qui sous-tend le scénario présenté, même s’ils ne peuvent pas forcément nommer les personnages... Mais au-delà de cette explication théorique, l’usage et l’appropriation des lieux restent les meilleurs indicateurs du succès de l’installation. 

 ID/ Pensez-vous que le projet puisse transformer la vision de l’éphémère à Montréal?

Ce projet est un jalon dans une migration des projets « jetables » à la facture passe-partout vers des solutions plus signées, intégrées et durables. Une espèce de « chaînon manquant » entre les installations transitoires et les aménagements urbains permanents. Ce projet est aussi une étude de cas de l’approche circulaire du design urbain alors que l’empreinte écologique et le coût de disposition sont considérés à l’amorce et font partie intégrante du concept. Nous envisageons même qu’une prochaine génération de projets transitoires pourrait relever le défi ultime de l’hiver!

ID/   Avez-vous récemment été touché par des expérimentations urbaines au Canada ou ailleurs? Des modèles d’urbanisme tactique ou des scénographies urbaines marquantes?

Nous avons été inspirés par une panoplie de projets évolutifs, transitoires et thématiques. Il y a Time Square sur New York, projet prototypal et véritable étude de cas du passage d’installations transitoires vers des aménagements permanents. Les projets spontanés et audacieux de « Black Lives Matter » à Washington DC et autres villes américaines. Les projets transitoires qui ont osé la couleur et les formes inusitées comme le Collège Square Croydon, Royaume-Uni ou le Creek Play de 100architects pour Dubaï. Les aménagements commerciaux modulaires et dynamiques comme Frankie à Los Angeles par Bureau Spectacular.

Sur Montréal, il y a la Place des fleurs de macadam où nous percevons la même volonté d’innovation formelle et spatiale. Enfin, il y a les interventions inachevées de mon propre travail sur la Vision du Quartier des spectacles (2003-2007) puis sur les aménagements de la Promenade maritime Hassan II à Casablanca (2017).

 

Photos: Raphaël Thibodeau

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Petit Index produits et artisans du projet

  • LAAB collective, en collaboration avec Signature design communication: Design stratégique, direction de création et design industriel
  • Bao Nguyen, Studio B: Architecture de paysage
  • CAB/Cour à bois: estrades et pixels
  • Racine Carrée: rampes et piliers hercule
  • MFBB: vitrines
  • Pouce vert: plantations
  • Opus Design: marquage de rue